Il y a trois ans déjà, Nicolas Sarkozy promettait aux Français une rupture. Cette rupture allait prendre plusieurs visages de façon à satisfaire le plus d’électorats possible. Le 14 novembre, nous avons assisté à un retour en arrière, à une ‘contre-rupture’.

Au début de la campagne présidentielle de 2007, la rhétorique de Sarkozy était constante avec celle qui lui avait valu de devenir le candidat de l’UMP. Il poursuivit donc ses violentes attaques contre certaines minorités ‘visibles’. Celles-ci étaient jugées de façon manichéenne responsables du sentiment d’insécurité que de nombreuses campagnes électorales avaient ancré durablement dans l’esprit de certaines catégories de la population, notamment celles sensibles aux sirènes du Front National. Puis, quand la politique plus douce de Ségolène Royal prit le dessus sur sa politique virile, Sarkozy retourna sa veste et affirma une dizaine de fois dans un discours qu’il avait ‘changé’. La rupture devenait une ‘rupture tranquille’ oxymoronique. Sarkozy devenait celui qui rassemble, celui qui pourfend le capitalisme, celui qui cite les héros de la gauche, celui qui défend la liberté d’expression. De la même manière que le discours de Jean-Marie Le Pen avait changé dans les années 90 sous l’influence de la Nouvelle Droite, le discours de Sarkozy pris un tournant toujours plus populiste. Il ne se contentait plus d’attirer à lui les électeurs du Front National, mais ceux du centre et ceux de la gauche déçus par le Parti Socialiste.

Après son élection, Sarkozy décida de pousser sa stratégie populiste plus loin pour asphyxier toujours plus ses concurrents de droite et de gauche. L’échec de ce grand écart est apparu clairement. En effet, depuis le remaniement, l’élément le plus symbolique du mandat présidentiel de Sarkozy, le ministère de l’immigration et de l’identité nationale a cessé d’exister. L’immigration fait maintenant partie du ministère de l’intérieur et l’identité nationale disparait complètement du gouvernement ; preuve du mauvais jugement de Sarkozy sur les bénéfices que ce virage à droite pouvait procurer. Malgré les nombreuses tentatives d’Hortefeux et de Besson, l’électorat d’extrême droite s’est vite aperçue que ‘la copie ne valait pas l’original’, alors que l’électorat plus modéré n’a que guère apprécié les grosses ficelles ethno-exclusivistes centrales à la stratégie sarkozienne. Finis les grands débats sur l’identité nationale, ce qui nous était présenté comme la question la plus importante pour l’avenir du pays a tout simplement disparu. Reste à savoir si les 18 mois qui nous séparent des prochaines élections seront suffisants pour faire oublier ce demi-tour plus qu’abrupt.

Autre élément symbolique du quinquennat Sarkozy, l’ouverture à gauche s’est refermée ce 14 novembre. Bernard Kouchner aura vendu son âme socialiste pour bien peu au regard de ses actions toujours limitées par l’activité de l’hyper-président sur la scène internationale. Fadela Amara aura confirmé l’opportunisme du mouvement Ni Putes Ni Soumises et l’échec de cette stratégie qui a rendu ce mouvement un simple porte-parole du gouvernement. Son départ et celui de Rama Yade mettent un sérieux frein au métissage tant vanté par Sarkozy. Ce qui a marché pour Benetton n’a pas convaincu l’électorat de Sarkozy et, comble de l’insolence, celles que le président avait si généreusement recrutées se sont parfois montrées trop engagées politiquement. De cette ouverture, seul Eric Besson reste, bien que peu soient ceux qui associent encore le nouveau ministre auprès de la ministre de l’économie encarté à l’UMP à la gauche, voire même au centre. Autre symbole de cette fermeture, Jean-Louis Borloo fait lui aussi ses valises alors qu’un autre ministère clé du populisme sarkozien disparait. Finies les grandes promesses de Grenelle de l’environnement, finis les pactes écologiques avec Nicolas Hulot, finies les tentatives d’association d’une économie néolibérale à une économie durable. Fini le flirt avec la gauche, le centre et l’extrême droite. Du moins pour le moment.

Plus de populisme à tout va, pour Sarkozy il est temps de regrouper la droite et de reconquérir l’électorat qu’il avait délaissé depuis la campagne de 2007. Il ne fait aucun doute que cet électorat lui aura pardonné en grande partie ses écarts après la réforme des retraites qu’il a conduit avec succès malgré les manifestations et l’opposition d’une part importante des français. C’est autour de cet électorat avide d’autorité que Sarkozy va conduire sa campagne pour sa réélection. Ce changement n’est en fait pas aussi radical qu’il y parait et n’est pas forcément une coupure (une rupture !) avec sa précédente campagne, ou avec celle d’autres populistes de droite victorieux lors d’élections. En effet, Sarkozy effectue simplement un retour aux sources. Alors qu’un nombre croissant de candidats potentiels se dessine à droite, le président se doit de regrouper les troupes de l’UMP autour de sa personne de la même manière qu’il l’avait réussi en 2007. C’est après avoir éliminé ses concurrents les plus proches idéologiquement que Sarkozy s’était tourné sans complexe vers les électeurs du Parti Socialiste et ceux du Front National. Utilisant une stratégie similaire à celle mise en place contre Dominique de Villepin et de François Bayrou en 2007, Sarkozy s’est encadré d’une équipe capable de priver d’air ses concurrents directs (de Villepin toujours, mais aussi Borloo et François Fillon condamné à finir le quinquennat à un poste de premier ministre jamais de bonne augure pour des ambitions présidentielles). Le retour au premier plan de Juppé, et la nomination de nombreux ex-villepinistes, confirment clairement cette stratégie.

Le populisme de Sarkozy n’est donc pas forcément mort et enterré. Une fois débarrassé de ses meilleurs ennemis, il sera toujours temps pour le président de reprendre son populisme décomplexé pour séduire les troupes de tous bords qui lui permettront de remporter le second tour des élections de 2012.

Written in November 2010

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